Le monde célèbre chaque 19 novembre la Journée Mondiale des Toilettes. Instaurée depuis 2001 par l’ONU, cette journée qui a tout d’un plaidoyer que d’une célébration ambitionne d’accentuer l’attention de l’humanité sur le besoin urgent de doter chaque individu de toilettes appropriées. Mais il semble que les années se suivent et se ressemblent.

Cette année, tout comme les précédentes d’ailleurs, cette journée intervient alors que les défis demeurent énormes dans le secteur de l’assainissement. En effet,

les chiffres restent alarmants et font état de 2,5 milliards, soit 1/3 des humains, qui ne jouissent pas encore de leur droit à l’assainissement. D’où l’appel lancé à tous les acteurs à redoubler d’ardeur pour relever au plus vite le défi.

L’Agence Panafricaine Intergouvernementale Eau et Assainissement pour l’Afrique (EAA) fait sien le défi et s’est jointe, depuis sa création, à l’effort général pour un assainissement approprié pour tous, particulièrement en Afrique. Pour ce faire, elle a initié des approches et des technologies dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Et aujourd’hui, EAA est toujours féconde en innovation, avec de nouvelles technologies de toilettes qu’elle met à la disposition des ménages, même dits pauvres. Au nombre des technologies, retenons les toilettes ECOSAN et les Toilettes Sèches à Déviation d’Urine (TSDU). La découverte de ces technologies n’a pas été une génération spontanée. Historiquement, les toilettes en Afrique ont suivi une évolution allant des toilettes traditionnelles aux TSDU. En effet, les toilettes traditionnelles avaient pour inconvénients les odeurs nauséabondes et la présence des mouches. Les odeurs indisposent les utilisateurs, tandis que les mouches continuent de transmettre les maladies diarrhéiques. Pour éliminer ces inconvénients, il a été développé les toilettes à fosses ventilées (VIP, soit Ventilated Improvement Pit). Elles sont équipées de dispositifs techniques tels que le tuyau de ventilation de la fosse qui permet une circulation de l’air dans la cabine jusqu’au tuyau de ventilation pour évacuer les odeurs, empêchant ainsi la prolifération des mouches.

Les toilettes ECOSAN sont d’abord des toilettes VIP mais à fosses sèches à travers la déviation des urines lors de la défécation et la déviation de l’eau de nettoyage anal hors de la fosse. Ce sont de types de toilettes fonctionnant donc sans eau, plus écologiques, séparant les fèces des urines et permettant de valoriser les déchets en les transformant en compost (excrétas) ou en fertilisants liquides (urines) utilisables pour la fertilisation des sols après six mois d’hygiénisation. Il s’agit donc de toilettes qui répondent en même temps à plusieurs besoins humains : sanitaires, agricoles, alimentaires, environnementaux.

EAA, ex-CREPA (Centre Régional pour l’Eau potable et l’Assainissement à moindre coût, Ouagadougou) est réputé géniteur de ce type de toilettes dont l’accessibilité et la praticabilité ont suffisamment été prouvées avec succès au Burkina Faso. Par la suite, d’autres organismes ont reconnu et appuyé cette innovation et l’ont recommandée comme toilettes conventionnelles. C’est le cas de l’Union Européenne qui, impressionnée, n’a pas hésité a financé le passage à l’échelle de la toilette ECOSAN, permettant ainsi sa promotion dans plusieurs régions, provinces, communes et villages du pays.

La vulgarisation des toilettes ECOSAN a été encouragée au regard des avantages qui en découlent, lesquels avantages ont du reste expliqué le succès retentissant qu’ont eu les latrines ECOSAN dans les zones où EAA les a implantées. Il s’agit de la possibilité de valoriser les urines et les excréments en les utilisant comme fertilisants, de leur aspect très hygiénique et écologique, du fait qu’elles sont moins onéreuses, donc accessibles à tous, moins odorantes, plus pratiques et rapides à construire, plus durables et rentables tout en assurant une meilleure protection de la nappe phréatique. D’autres avantages concernent la facilité de leur entretien, leur coût d’investissement raisonnable et compensable par des économies d’engrais. Sur ce point, notons que le CREPA avait calculé que le Burkina Faso pourrait économiser 72 millions € /an s’il parvenait à valoriser les nutriments contenus dans les excrétas humains de toute la population. Même si on reconnait que cela n’est pas absolument possible, nous avons au moins un ordre de grandeur des possibilités maximum d’économie qu’offre ce modèle.

En cette année où nous célébrons la 14e Journée Mondiale des Toilettes, EAA accélère sa contribution pour atteindre un monde où tous ont accès et utilisent des toilettes en innovant un autre type de toilette. Il s’agit des Toilettes Sèches à Déviation d’Urine (TSDU). Expérimenté en Côte d’Ivoire, ce modèle de technologie offre les mêmes avantages que ECOSAN, mais permet surtout une claire articulation entre assainissement-agriculture-environnement-énergie. En effet, en plus du cadre confortable et hygiénique que les TSDU offrent aux bénéficiaires/utilisateurs, elles valorisent au maximum l’urine recueillie, à travers un système opérationnel de collecte, de stockage, de traitement, d’évacuation et de dépotage dans des espaces aménagés pour le compostage. Et l’engrais qui en ressort est utilisé comme fertilisant et a déjà donné des résultats concluants en Côte d’Ivoire où des maraîchers et des producteurs de maïs se sont déjà frotté les mains.

Pour EAA, rendre les toilettes accessibles à tous dans ce monde n’est pas une utopie. Il est possible, pour peu qu’on y mette les moyens en termes de recherche-action, d’innovation technologique et d’implémentation de projets conséquents. C’est pourquoi l’agence panafricaine invite les principaux acteurs à redoubler d’effort et à s’ouvrir au partenariat et à la collaboration. Elle invite également ses partenaires traditionnels à lui renouveler leur confiance, les bailleurs de fonds à lui délier le cordon de la bourse, afin qu’elle continue de mettre son expérience et son expertise au service des populations en leur apportant des technologies d’assainissement appropriées et adaptées. EAA demeure convaincue, comme LEE Jong-Wook, ex Directeur général de l’OMS, que : « l’eau et l’assainissement sont indispensables à la santé publique (…) car lorsqu’on aura garanti à tout un chacun, quelles que soient ses conditions de vie, l’accès à une eau salubre et à un assainissement correct, la lutte contre un grand nombre de maladies aura fait un bond énorme ». Et c’est ce qui fonde la justesse et la force de son action dans le secteur de l’assainissement.

Photos illustratives :

Figure 1: Tabouret de toilettes EcoSan vu sous divers angles sans la superstructure. Le tabouret EcoSan est un WC de type anglais, mais à déviation d’urine selon l’approche de l’assainissement écologique basée sur la séparation de l’urine et des fèces à l’origine